Au cœur des solitudes

Après la bande dessinée « Dans la forêt », Lomig confirme son talent dans cette biographie de John Muir, célèbre naturaliste considéré comme l’un des premiers écologistes. Le récit commence en mars 1867 par une scène dramatique. Un homme se demande s’il va rester aveugle toute sa vie ? Il regrette d’avoir passé de nombreuses années à travailler dans une scierie au lieu de « faire de plus amples provisions des diverses beautés sauvages de la nature ». Enfant, il adorait observer les végétaux et les animaux. Il a suivi des cours de botanique à l’université mais a dû travailler. En septembre, ayant récupéré la vue, il commence le voyage de ses rêves : découvrir toutes les merveilles de la vie sauvage et recueillir des végétaux. Il part, avec le strict minimum, tout droit devant lui vers le sud, pour aller de l’État du Kentucky jusqu’aux jardins tropicaux de l’Amérique latine. Le lecteur le suit avec un grand plaisir, partageant son admiration pour la nature grâce à la merveille des dessins en noir et blanc aux traits très précis de Lomig. Scène pleine d’émotion où comme une apparition un petit garçon à cheval l’aide à traverser une rivière. Il se revoit enfant… Il fait aussi des rencontres, certains ne le comprennent pas et d’autres l’accueillent partageant son amour des plantes. Son écriture est très belle, remplie de poésie : « ces forêts antiques de chênes… composent pour chaque regard, un tableau de maitre qui vient louer la beauté inépuisable de la nature », « de merveilleuses collines baignées d’une lumière envoutante se rejoignent et s’entrelacent jusqu’à perte de vue ». Il est heureux, ressentant une paix qu’il n’imaginait pas, découvrant les joies simples d’une vie très proche de la nature. Quel superbe dessin d’une nature baignée de lumière qu’il regarde avec un vieux montagnard ! Pas besoin de parole ! Souvent des souvenirs d’enfance lui reviennent, création d’une machine pour scier le bois, machine pour se lever tôt, l’air frais et vivifiant de l’Écosse… Il vit totalement en harmonie avec la nature, s’émerveillant devant une fleur ! Obligé de retravailler dans une scierie car il n’a plus d’argent, ses cauchemars reviennent… il se réveille chez une famille qui l’a recueilli pendant deux mois. Le voici à New York. Il ne supporte pas le vacarme, l’agitation, réalisant qu’« il s’est affranchi de son asservissement aux codes et institutions de la société ». Sur le bateau qui l’emmène vers la terre de l’ouest, il fait connaissance d’un anglais qui souhaite partager son aventure. Il s’inquiète, dans la Sierra Nevada, pour « toute cette diversité que rien ne protège et qui pourrait bien disparaitre un jour ! ». Tant de secrets encore à découvrir ! Il traduit la beauté qu’il ressent par des dessins dans son carnet. À la fin de la BD, un cahier spécial John Muir par le responsable des collections avec des photos et documents sur la sa vie. Une bande dessinée exceptionnelle qui outre les dessins d’une grande beauté, font découvrir pourquoi John Muir est un précurseur, le premier à alerter sur les risques que l’homme pourrait faire courir à la nature.

Lomig, Ill. Lomig, Sarbacane (BD)