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Helgoland. Le sens de la mécanique quantique

L’auteur indique qu’il a écrit ce livre « en premier lieu pour ceux qui ne connaissent pas la physique quantique… mais aussi en songeant à mes collègues scientifiques et philosophes dont la perplexité s’accroît au fur et à mesure que leur connaissance de la théorie s’approfondit ». C’est un défi très ambitieux que Carlo Rovelli va relever et il est difficile de savoir lequel de ces deux catégories de lecteur va être le plus impressionné par l’exposé de cette théorie, la mécanique quantique, « qui nous laisse un profond sentiment de mystère ». Au début de la première partie du livre, nous sommes en 1925 à Helgoland (Heligoland), une île sauvage en mer du Nord où le jeune Heisenberg (23 ans) a trouvé refuge pour « s’immerger dans le problème qui le hante. La patate chaude que Niels Bohr lui a refilée ». Il s’agit simplement d’élucider le mystère d’une théorie élaborée par Bohr qui donne des résultats confirmés par l’expérience mais que personne ne comprend. C’est un passage très émouvant qui nous fait vivre la genèse mystérieuse d’une idée géniale. L’idée sous-jacente qui parcourt tout le livre : « renonçons à décrire le mouvement de l’électron… Fonder tout le raisonnement seulement sur les quantités observables, voila l’idée ». Avec l’aide de ses collègues Born, Jordan puis Pauli, la nouvelle théorie des matrices d’Heisenberg est appliquée à l’atome et c’est un triomphe. L’auteur décrit ensuite l’évolution parallèle de la théorie quantique avec Louis de Broglie et Schrödinger et sa fameuse équation sans oublier les pères fondateurs Planck et Einstein ni le génial Dirac et finit cette première partie du livre avec l’équation d’Heisenberg qui conduit au fameux principe d’incertitude. Dans la deuxième partie, sont présentés les « étranges phénomènes quantiques » et les tentatives des scientifiques et des philosophes de les comprendre : principes de superpositions, mondes multiples, variables cachées, effondrements physiques, indétermination, relations, intrication. Dans la troisième partie, plusieurs pages évoquent à juste titre l’apport de Ernst Mach dont la philosophie a inspiré Einstein et Heisenberg. Carlo Rovelli n’hésite pas sortir du monde scientifique pour aborder la politique où cette philosophie qui « entre facilement en résonance avec les idées de Marx et d’Engels » a été l’objet d’une controverse entre Lénine et Bogdanov soutenu par Mach. Dans les dernières pages, l’auteur reparle de Niels Bohr « le père spirituel des jeunes-turcs qui ont fait la théorie des quanta » et de sa querelle avec Einstein. « La pensée de Bohr est loin d’être limpide… mais ses intuitions sont lumineuses. » Pourquoi nous fait-il découvrir le philosophe indien du IIe siècle Nägärjuna ? Parce que la thèse centrale de son livre « est simplement que rien ne possède une existence en soi, indépendante d’autre chose. La résonance avec la mécanique quantique est immédiate ». Ce livre que l’auteur lui-même appelle « une longue méditation » est passionnant. On a l’impression de suivre une pensée en train de s’élaborer avec ses méandres, ses affirmations, ses doutes et même ses contradictions. Une dernière citation : « Le monde de la théorie des quanta que le voyage d’un jeune homme sur l’Île sacrée de la mer du Nord nous a ouvert me semble extraordinairement beau ». En fin d’ouvrage, 7 notes et un index.

Carlo Rovelli, Flammarion

5/5
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