Les veilleurs

Il est de ces bandes dessinées qui vous touche particulièrement ! Dans « Les veilleurs » Yann Dégruel vous livre une partie de sa vie, celle de veilleur de nuit auprès de personnes atteintes des troubles du spectre autistique (T.S.A). Comme il l’explique, « je suis dans ma bulle » mais il est bien difficile de vivre de son métier d’auteur de BD. Il a donc dû trouver un second métier. Au cours d’une nuit, il rencontre Alice, « une rencontre du quatrième type… un être terrestre mais d’un autre système ! ». Comment faire quand on n’a pas eu de formation ? Flippant, tout seul dans cette maison et dans la nuit, avec des gens qu’on connaît à peine ! Ces personnes atteintes de différents troubles ont besoin de soins importants et d’attention pour vivre dignement. Dans ses dessins décrivant Alice, Pierre, Nelson… il essaye de prendre avec humour leurs situations tout en ayant le souhait de les comprendre : « Ils ont tous une manière d’être au monde ». Scène émouvante où il fait tout son possible pour faire comprendre à Momo de mettre le ballon dans son panier. Des planches sur son métier, rencontres lors de festival à la recherche d’une idée qui pourrait améliorer son destin… 36 % des auteurs vivent sous le seuil de pauvreté. Il en profite pour parler du handicap, « un monde invisible à nos yeux… comme si nous étions deux parallèles ». Il est vrai qu’on ne parle pas facilement du handicap. Le directeur du festival le remercie car ses amis ne le savent pas, sa fille est dans une de ses maisons… Lola lui explique que pour faire ce métier, « il faut se connecter avec l’amour qui est en toi et surtout ne pas avoir peur ». Au fil des nuits, il sort le soir heureux et prend conscience qu’il se transforme. Au lieu de paniquer, en réalisant que Clémence a fait un effort immense pour venir le trouver, il prend une voix douce pour la féliciter. Le lecteur lui aussi comprend de mieux en mieux que « ces personnes nous font voir le monde selon un autre prisme que le nôtre ». Quand l’auteur de BD fait part à des enfants de quoi ont besoin les handicapés, ceux-ci lui répondent de la tendresse. Une nuit c’est à nouveau la panique, car il n’arrive pas à libérer Pierre de ses sangles. C’est l’occasion, avec un graphisme en noir et blanc, de parler du test des « passoires de Socrate ». Une belle leçon de sagesse ! Et aussi de la pyramide de Moslov, un psychologue, sur la représentation pyramidale des besoins, sur la première et la seconde vague, le regard des autres…Des dessins « délirants » traduisent ses interrogations sur sa vie. Pourra-t-il continuer ? Yann Dégruel raconte avec beaucoup d’émotion et de justesse sur son ressenti, sa découverte de qui sont réellement ces personnes handicapées, comment peu à peu notre regard sur eux change pour nous faire réaliser qu’il leur faut beaucoup d’amour et qu’ils nous apportent beaucoup ! Un récit fort et bouleversant !

Yann Dégruel, Ill. Yann Dégruel, Delcourt (Encrages)